Thèse OT-22970
Etude du microclimat, du comportement de la prairie et des bovins en présence de haies solaires (SOLARBOV)
63000 Clermont-Ferrand
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Présentation INRAE
L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) est un établissement public de recherche rassemblant une communauté de travail de 12 000 personnes, avec 272 unités de recherche, de service et expérimentales, implantées dans 18 centres sur toute la France. INRAE se positionne parmi les tout premiers leaders mondiaux en sciences agricoles et alimentaires, en sciences du végétal et de l’animal. Ses recherches visent à construire des solutions pour des agricultures multi-performantes, une alimentation de qualité et une gestion durable des ressources et des écosystèmes.
Environnement de travail, missions et activités
L’installation de parcs agrivoltaiques (AV) n’est pas neutre pour l’environnement et les agroécosystèmes concernés dans lesquels ils sont installés. Ce projet de thèse propose d’obtenir des références scientifiques en bioclimatologie, agronomie et comportement animal en situation AV, utiles pour valider le déploiement de ces systèmes à plus grande échelle appliqués à l’élevage. Nous allons évaluer, au champ et de manière spatio-temporelle, l’effet de deux écartements de rangs de panneaux solaires sur (1) les modifications intra et inter-journalières du microclimat et (2) leurs conséquences sur les services rendus par la prairie et le comportement des bovins. Nous faisons l’hypothèse que la présence des panneaux solaires réduit l’évapotranspiration de la végétation et a peu d’effet à court terme sur la biodiversité et les services rendus par les prairies. La réponse des bovins pourrait dépendre des conditions météorologiques au cours de la journée et au cours des saisons. Des approches expérimentales, sur le microclimat, la végétation et le comportement des bovins, seront combinées grâce des collaborations entre plusieurs UMR du site de Clermont-Ferrand.
Contexte, état de l’art, questionnement scientifique
Afin de mieux répondre aux enjeux climatiques, de sécurité alimentaire et de l’énergie, le concept d’agrivoltaïsme (AV) a été proposé (Dupraz et al., 2011), en associant sur une même parcelle une production agricole et une production d’énergie solaire à partir de panneaux photovoltaïques. Ce système s’avère efficace car il peut présenter une productivité globale plus élevée, entre 35-73% de plus comparée aux systèmes agricoles conventionnels, tout en étant une opportunité économique pour les agriculteurs (Dinesh & Pearce 2016 ; Maia et al., 2020). Cependant, ces systèmes sont encore peu développés et demandent à être mieux caractérisés pour convaincre les différents porteurs d’enjeu des territoires impliqués pour leur déploiement à plus large échelle (ADEME 2021 ; décret de loi, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049386027).
L’installation de parcs AV n’est pas neutre pour l’environnement dans lequel ils sont installés. En effet, le chantier nécessaire pour la mise en place de l’infrastructure demande l’intervention d’engins lourds qui sont intrusifs pour les agroécosystèmes. Les panneaux, mis en place pour durer entre deux à trois décennies, peuvent avoir à la fois des effets bénéfiques et adverses pour les productions agricoles par leurs effets parapluie et parasol (par ex. Marrou et al., 2013 ; Weselek et al., 2019 ; Madej et al., 2023). En plus d’apporter de l’ombre qui impacte la quantité et la qualité du rayonnement reçu par les plantes sur tout ou partie de la journée (Sturchio et al., 2022), la présence de panneaux photovoltaïques influence différents paramètres du microclimat : vitesse et direction du vent (Hassanpour Adeh et al., 2018 ; Bruhwyler et al., 2023), température du couvert végétal (Marrou et al., 2013), température et humidité de l’air et du sol (Armstrong et al., 2016 ; Hassanpour Adeh et al., 2018 ; Graham et al., 2021 ; Weselek et al., 2021 ; Madej et al., 2022 ; Sturchio et al., 2022 ; Kannenberg et al., 2023). Ces variations microclimatiques se répercutent sur la végétation à travers la modification de différents paramètres impactant la croissance (somme de températures locales, disponibilité en eau, évapotranspiration, photosynthèse…). En effet, une croissance en hauteur plus importante a été observée dans la zone d’influence des panneaux au détriment du tallage, de la densité du couvert et du ratio feuilles/tiges (Madej et al., 2022 ; Rainon et Dagouneau, 2022). Ceci peut s’expliquer par le phénomène d’étiolement chez les graminées qui recherchent un meilleur accès à la lumière en
réponse à l’ombrage. La réponse de la prairie (quantité et qualité du fourrage) est variable selon les études et le type de panneaux solaires implantés sur la prairie. Sur une prairie permanente semi-aride
en conditions froides et sèches, Sturchio et al. (2024) ont testé des panneaux disposés en lignes sur un axe nord-sud et suivant la course du soleil d’est en ouest en faisant varier leur inclinaison le long d’un
axe horizontal. Conformément aux observations faites la saison précédente (Sturchio et al., 2022), les auteurs ont mesuré un rendement plus élevé côté est des panneaux (y compris par rapport au
contrôle), là où l’herbe est au soleil le matin et à l’ombre l’après-midi, et inférieur en dessous des panneaux. L’étude conclut donc au maintien de la productivité et de la qualité fourragère de la prairie suite à l’installation des panneaux photovoltaïques. Concernant la qualité, les études disponibles tendent à montrer une meilleure valeur fourragère des prairies photovoltaïques à travers l’augmentation du taux d’azote/protéines (Madej et al., 2022 ; Sturchio et al., 2024) et, en complément, de la valeur énergétique (Andrew et al., 2021) ou de la digestibilité (Kampherbeek et al., 2023). Pour la teneur en fibres, les résultats sont plus hétérogènes et variables dans le temps. La qualité fourragère de ces prairies par rapport au contrôle non couvert peut néanmoins varier selon la zone considérée, la période de l’année et l’année elle-même (Andrew et al., 2021 ; Madej et al., 2024 ; Sturchio et al., 2024). Outre les propriétés liées à la biomasse, la composition botanique du couvert peut évoluer. Sur une prairie temporaire constituée d’un mélange trèfle-graminées implanté sous une ombrière photovoltaïque, Weselek et al. (2021) ont observé une augmentation de la proportion de trèfle dans le couvert végétal par rapport au contrôle non agrivoltaïque. Une perte de rendement en matière sèche en a découlé, mais une amélioration du taux de protéines et de la digestibilité peuvent être attendues. Armstrong et al. (2016) ont constaté une perte de diversité végétale sous les panneaux, mais au profit des graminées cette fois, les légumineuses étant totalement absentes. La composition botanique des inter-rangées différait également du contrôle mais de manière moins marquée, les légumineuses et les diverses étant bien présentes, et sans conséquences sur le rendement. Là encore, ces résultats doivent être nuancés au regard des conditions d’implantation du couvert. Dans l’expérience de Andrew et al. (2021), l’ensemble des dicotylédones fourragères a semblé désavantagé dans la zone d’influence des panneaux. Ceci a été confirmé par Andrew et al. (2024), l’ombre et le pâturage sélectif nuisant à la persistance des légumineuses. Pour Hassanpour Adeh et al. (2018), la prairie permanente agrivoltaïque présentait moins de diversité et une composition botanique différente mais en faveur d’une espèce plutôt intéressante de par sa bonne appétence. Concernant l’implantation de panneaux solaires verticaux bifaciaux, il n’y a pas de références disponibles en élevage bovin puisque leur implantation n’en est qu’à ces débuts. Le site étudié dans ce projet est unique en France. Ce type de panneaux offre des opportunités de réduction des perturbations sur l’environnement des sites sur lesquels ils sont implantés. L’emprise au sol est beaucoup plus faible qu’avec des panneaux solaires au sol orientés sud, l’impact sur le microclimat lumineux réduit mais celui sur le vent serait marqué (Bruhwyler et al., 2022). De plus, ces panneaux
verticaux bifaciaux permettraient d’obtenir une production d’électricité maximale au lever et au coucher du soleil. L’impact des panneaux solaires sur les variables microclimatiques dépend de
nombreux facteurs : météorologie, sol, type de panneaux et dimensions de l’infrastructure, période de l’année, année, positionnement des capteurs (hauteur ou profondeur de la mesure, sous ou entre les panneaux inclinés, côté est ou ouest des panneaux verticaux…). Ainsi, les études citées n’aboutissent pas toutes aux mêmes conclusions en termes d’effet sur le microclimat et de quantification de ces effets. Parmi les variables microclimatiques, les modifications de la lumière par les panneaux, notamment dans le PAR, sont accessibles expérimentalement, les capteurs dédiés sont facilement
déployables sur le terrain, et par simulation car principalement basé sur des considérations géométriques. Le verrou principal concerne le flux d’air et la question de la modification du vent n'a pas été évaluée de manière approfondie. En se basant sur la littérature relative aux brise-vents, les panneaux verticaux devraient créer, spatialement et temporellement, des turbulences et modifier la vitesse du vent en fonction de la hauteur des panneaux, de la distance entre les rangées, de la direction du vent et de la hauteur de la culture (Baker et al., 2021). La complexité des écoulements induits par les panneaux rend l’approche de modélisation nécessaire. Plusieurs stratégies de modélisations peuvent être mises en œuvre pour appréhender l’impact de structures verticales sur les écoulements. Des modèles de mécanique des fluides peuvent être mis en œuvre pour simuler l’écoulement de la masse d’air et le sillage généré (Nahani et al., 2024). La similitude géométrique entre des haies et des panneaux verticaux permet également d’envisager des solutions moins coûteuses à partir d’approches analytiques dérivées de simulations (Lyu et al., 2020). Cet effet sur le vent devrait modifier la demande en eau de la végétation par évapotranspiration (Bruhwyler et al., 2022), dont l’intensité dépend des conditions ambiantes de la vitesse et de la direction du vent. A défaut de fournir de l’ombre en milieu de journée, les haies photovoltaïques peuvent offrir un abri aux animaux. De nombreuses études ont montré qu’en conditions froides et humides, la réduction de l’exposition au vent peut être bénéfique par l’amélioration des performances animales (ingestion, croissance, reproduction), la réduction des pertes (mortalité, maladies, thermorégulation, stress) et donc l’amélioration du bien-être animal (Fisher, 2007 ; Smith et al., 2021 ; Masters et al., 2023; Schütz et al., 2023). He et al. (2017) ont montré
que le niveau de pertes thermiques des ovins est fortement corrélé à la vitesse du vent et à son pouvoir refroidissant. Dans le même sens, Atkin-Willoughby et al. (2022) ont montré que le comportement de
zones abritées par temps froid et venteux. A l’inverse, en conditions chaudes, l’exposition au vent peut avoir un effet bénéfique en facilitant la régulation de la température corporelle de l’animal, comme
décrit par Mader et al. (2006).
Objectifs principaux et hypothèses testées
L’objectif de la thèse est d’étudier le microclimat aérien et souterrain, le fonctionnement agronomique de la prairie et le comportement des bovins au champ dans un parc AV comportant des haies solaires
avec deux dimensions d’inter-rang. Il s’agira d’évaluer si ce système fournit des services ou des dys- services à la prairie pâturée et quelles sont les plus/moins-values pour le bien-être animal. Nous faisons l’hypothèse que la présence des panneaux solaires réduit l’évapotranspiration de la végétation (baisse de la vitesse du vent, fluctuation journalière de la lumière), dont l’intensité varie de manière spatio-
temporelle (distance aux panneaux, saisons, conditions météorologiques ambiantes fluctuantes). Ces effets pourraient être plus marqués dans l’inter-rang le moins large car les turbulences pourraient être
plus importantes. Mais ces modifications devraient peu impacter sur le court-terme (< 3 ans) la composition botanique et les services de production rendus par les prairies car celles-ci dépendent de
variation contrastée de la disponibilité en lumière, eau et azote. En effet, même si la disponibilité en lumière varie dans la journée, la baisse de rayonnement dans les rangs des panneaux est transitoire et
non permanente comme avec les panneaux toitures orientés sud. Les effets parasol et parapluie des panneaux verticaux sont modérés. En conditions chaudes et plus sèches l’après-midi, la végétation
située coté Est des panneaux pourrait être moins soumise au stress thermique que la végétation située côté Ouest des panneaux, car celle-ci est à l’ombre pendant 3 à 4 heures. En ce qui concerne le
comportement des bovins (activités localisées spatialement sur plusieurs saisons), des changements pourraient être attendus si la qualité de la végétation est modifiée et si les animaux ont besoin de
s’abriter du vent ou du soleil lorsque les conditions ambiantes sont très venteuses ou chaudes. Les conditions microclimatiques et la disponibilité en fourrage pourraient permettre un allongement de la
durée de pâturage, en particulier en début et fin de saison. Il s’agit de mettre en place une démarche expérimentale sur des suivis de microclimats aérien et souterrain, de la végétation prairiale et des bovins, sur le démonstrateur AV Camélia1 situé à Laqueuille sur une parcelle de 1 ha, gérée par l’UE Herbipole partenaire du projet. Sur ce site, 9 rangs de panneaux solaires sont installés avec 2 inter-rangs différents (12 m et 18 m), avec une orientation Nord-Sud. Les principaux déterminants de la réponse de la végétation prairiale et du comportement animal seront mesurés sur la parcelle AV ainsi que sur une parcelle adjacente suivie depuis 20032 qui servira de témoin sans influence des panneaux. Les microclimats aérien (lumière, température, humidité, vitesse et direction du vent, précipitations) et souterrain (température et humidité) et la croissance de la végétation seront mesurés dans les deux écartements 12 m et 18 m des rangs et à différentes distances des panneaux solaires. La présence des bovins complexifie l’étude puisque des zones de mises en défens sont nécessaires pour les mesures sur la végétation (production, qualité, croissance). Les campagnes de mesure du microclimat aérien seront aussi réalisées en absence des bovins sur la
parcelle. Des capteurs d’humidité et de température du sol sont déjà installés dans le sol à différentes distances des panneaux. Des capteurs aériens nécessaires à l’étude permettent de mesurer les
fluctuations microclimatiques à différentes distances des panneaux (rayonnement, pluie, température, vent). Pour le comportement animal, les animaux seront équipés de capteurs
permettant d’enregistrer simultanément leur activité (debout, couché, déplacement, ingestion, rumination ...), leur position sur la parcelle (GPS), ainsi que leur position par rapport à la lumière
(capteurs luxmètre), leur température interne (Bolus). Ces données couplées à des données obtenues par observation directe des animaux (interactions sociales) et le suivi de leur croissance permettront
d’estimer leur état de bien-être selon les conditions météorologiques (pas de temps horaire). La présence des panneaux solaires pourrait apporter des bénéfices à la prairie et aux bovins en
atténuant des conditions microclimatiques qui seraient défavorables à la production prairiale et au bien-être animal. Il s’agit d’évaluer le comportement des bovins dans un système qui pourrait modifier
la réponse de la prairie. Ce dispositif original, unique en France, fait aussi l’objet depuis son implantation fin 2022 à des présentations à des porteurs d’enjeux du monde agricole (chambres, Idele,
agriculteurs…), des milieux naturels (parcs) et des territoires (communes, responsables politiques), ainsi qu’à des journalistes. Les connaissances scientifiques qui en découleront seront utiles aux
différents porteurs d’enjeux cités.
Accueil dans l’UMR INRAE UREP, 5 chemin de Beaulieu à Clermont-Ferrand ; fréquents déplacements sur le site expérimental situé à Laqueuille (Puy de Dôme) sur le domaine INRAE de l’Unité Expérimentale Herbipole. Interactions fréquentes avec l’UMR Herbivores située sur le site INRAE de Saint-Genès-Champanelle
Formations et compétences recherchées
Master ou diplôme d’ingénieur agronome avec des connaissances approfondies sur le comportement animal (herbivore), la prairie (agronomie) et/ou la bioclimatologie.
Des compétences avérées pour l’analyse de données environnementales complexes (séries spatio- temporelles) sont aussi recherchées. Anglais scientifique.
Votre qualité de vie à INRAE
En rejoignant INRAE, vous bénéficiez (selon le type de contrat et sa durée) :
- jusqu'à 30 jours de congés + 15 RTT par an (pour un temps plein)
- d'un soutien à la parentalité : CESU garde d'enfants, prestations pour les loisirs ;
- de dispositifs de développement des compétences : formation, conseil en orientation professionnelle ;
- d'un accompagnement social : conseil et écoute, aides et prêts sociaux ;
- de prestations vacances et loisirs : chèque-vacances, hébergements à tarif préférentiel ;
- d'activités sportives et culturelles ;
- d'une restauration collective.
Modalités pour postuler
J'envoie mon CV et ma lettre de motivation
Les personnes accueillies à INRAE, établissement public de recherche, sont soumises aux dispositions du Code de la fonction publique notamment en ce qui concerne l’obligation de neutralité et le respect du principe de laïcité. A ce titre, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’elles soient ou non au contact du public, elles ne doivent pas manifester leurs convictions, par leur comportement ou leur tenue, qu’elles soient religieuses, philosophiques ou politiques. > En savoir plus : site fonction publique.gouv.fr